Agir contre l'homophobie
Dans les religions
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Les religions ont, en général, une vision négative de l’homosexualité. Elles la condamnent, comme toute pratique sexuelle qui n’aurait pas pour but de donner naissance à un enfant dans le cadre strict du mariage. Pour les religions les moins sévères sur le sujet (certaines formes de bouddhisme, par exemple), cela a pu se limiter à la condamnation d’un comportement contraire à la recherche spirituelle. Mais le rejet de certains actes — qualifiés aujourd’hui d’homosexuels — a été, pendant des siècles, un principe commun au judaïsme, aux différentes églises chrétiennes et à l’islam, avec des répercussions variables selon les époques, les milieux et les sociétés.
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Un peu d’histoire…
Le judaïsme, très anciennement hostile aux relations entre hommes, a transformé peu à peu des peines très strictes (lapidation) en mesures d’éloignement ou d’exclusion de la communauté (bien avant l’ère chrétienne). Longtemps religion de groupes minoritaires et dominés qui ne disposaient pas du pouvoir politique, le judaïsme a entretenu une forte hostilité à l’égard des relations entre personnes de même sexe, sans jamais en faire une question importante.
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C’est l’Europe chrétienne de la fin du Moyen-âge (XIIIe – XIVe siècles) qui a transformé la condamnation spirituelle en persécution et inventé la figure du “sodomite”. Durant l’Inquisition (XVe – XVIIe siècle), l’accusation de “péché contre nature” donnait lieu à des procès accompagnés par la torture et se concluant souvent par la mort des condamnés. Cependant, les procédures étaient peu fréquentes : les individus protégés par les pouvoirs politiques ou religieux n’étaient jamais inquiétés. À partir du XIXe siècle, la condamnation a pris une tournure moins brutale, tout en restant très stricte. En revanche, des voix nouvelles (médecins, psychologues, moralistes) ont introduit d’autres conceptions de l’homosexualité, entamant le monopole de jugement de l’Eglise sur le sujet.
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L’évolution récente au sein du christianisme fait aujourd’hui la différence entre la personne (le “pêcheur”) à qui est accordée la compassion — à condition qu’il/elle s’abstienne de rapports sexuels “contre nature” ou “désordonnés” —, et l’acte qui demeure très mal vu, voire condamné (comme pêché), en particulier dans le catholicisme, l’orthodoxie et certaines formes de protestantisme.
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Dans les pays musulmans, l’application de la charia (un recueil de traditions particulièrement rigoureux, postérieur au Coran) a beaucoup évolué selon les époques et les sociétés. En matière d’homosexualité, la charia préconise la condamnation à mort pour les relations génitales entre hommes. De moins en moins appliquée jusqu’au XIXe siècle et la naissance du fondamentalisme* sunnite (ou wahhabisme), elle a connu ensuite un renouveau. Elle s’impose surtout depuis quelques décennies. Elle est beaucoup invoquée dans l’Iran chiite, certains pays du Golfe Persique (sunnites) et quelques pays d’Afrique (Soudan, Nigéria), qui associent homosexualité et perversion occidentale. Elle vient justifier dans ces pays une forte intolérance à l’égard des personnes LGBT.
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Sur quelles bases cette homophobie prétend-elle
se fonder ?
La condamnation religieuse de ce que nous appelons de nos jours “homosexualité” est fondée sur des passages, au demeurant peu nombreux et très brefs, de certains textes sacrés : une condamnation des rapports entre hommes dans le Lévitique (Ancien Testament), la mention des femmes et des hommes se livrant à “des rapports contre nature” parmi les comportements dénoncés par l’apôtre Paul dans deux épîtres (lettres) du Nouveau Testament, des interdictions proches du Lévitique dans certaines sourates du Coran. Ces évocations très brèves ont ensuite été développées par des interprétations postérieures, ou alors elles ont pu rencontrer une tradition très répressive (dans la Perse d’avant l’Islam par exemple, dont l’Iran d’aujourd’hui est comme l’héritière). Or ces traditions ont tiré dans un sens punitif des passages de livres sacrés qu’on pouvait lire autrement, ne serait-ce qu’en utilisant d’autres passages des mêmes textes.
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C’est du reste l’ensemble des pratiques sexuelles sortant de la relation conjugale que les religions ont réprimé — relations hors mariage, adultère, masturbation parfois : pour les grands courants religieux, la sexualité n’est pas une pulsion libre, elle doit être strictement encadrée et contrôlée.
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Concilier homosexualité et foi, c’est possible
De nombreux actes passibles de la mort dans l’Ancien Testament (insulter ses parents, pratiquer la divination, avoir des relations sexuelles avec des épouses de son père…) ont été depuis retirés de la liste des comportements gravement proscrits, alors que la condamnation des relations entre hommes est restée. Dans les Évangiles, si l’adultère et le divorce occupent une place significative, il n’y a aucune évocation de ce que nous appellerions « homosexualité ». Et les prescriptions et les thèses figurant dans les Épîtres de Paul n’ont pas cessé d’être discutées par les multiples traditions chrétiennes : on peut les interpréter de différentes manières.
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Des homosexuels et d’autres croyants, souvent en dehors de leurs autorités religieuses, proposent depuis plusieurs années une nouvelle lecture des textes sacrés et de la tradition, afin de montrer qu’il est possible de concilier sa foi et son orientation sexuelle. Aujourd’hui, certaines Églises protestantes ou groupes de croyants dans les autres religions acceptent en leur sein les personnes LGBT, et militent pour une évolution majeure en matière de perception de la sexualité par la religion.
Pour les trois principales religions dans notre culture, des associations peuvent aider à répondre aux questions que se posent les personnes LGBT et les aider à vivre plus sereinement ce voisinage entre leur croyance et leur orientation sexuelle (ou leur transidentité) :
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David et Jonathan pour les chrétiens ;
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HM2F : Homosexuels et Musulmans de France pour les musulmans ;
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Beit Haverim pour les juifs.
Au travail
L’homophobie au travail prend différentes formes, qui sont à peu près les mêmes qu’ailleurs : moqueries, injures, discriminations, mise à l’écart, harcèlement… Il y a pourtant des particularités : il y a souvent un rapport de force entre employeurs et employés, en principe contrôlé par la loi ; la vie privée des uns et des autres est supposée être protégée ; les employeurs doivent assurer des conditions de travail décentes à chacun, ce qui doit exclure les relations déplaisantes, fondées sur l’hostilité ou la discrimination.
En pratique, hélas, ce n’est pas toujours respecté. L’homophobie peut être le fait des employeurs eux-mêmes, ou de responsables dans une hiérarchie. Ces derniers peuvent aussi couvrir ou ne pas prendre au sérieux des comportements homophobes de salariés à l’égard d’un collègue. Néanmoins, avec les années, la question a cessé d’être taboue dans de nombreuses entreprises et il existe des possibilités de défense et d’action contre ces comportements.
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Manifestations principales
On pense souvent aux formes explicites : réflexions ou moqueries (ex : “c’est du travail de tapette“, “tu t’habilles comme une femme“, “un vrai mec, cette gonzesse !”…) ou injures directes. Pourtant, c’est surtout indirectement que l’homophobie s’exprime souvent : mise à l’écart d’un-e salarié-e par les autres ou par ses supérieurs hiérarchiques, surcharge de travail, comportements déplacés ou dominateurs, absence de confiance témoignée à une personne quand elle serait nécessaire… Souvent, ces comportements relèvent de ce qu’on appelle les discriminations : le/la salarié-e n’est pas traité-e comme les autres. Si la situation peut être prouvée, elle est passible de sanctions judiciaires.
Quand les formes d’hostilité se multiplient, on entre dans le harcèlement, le plus souvent moral, sur le lieu de travail. Il est entretenu par des agissements répétés (réflexions blessantes, climat pesant, isolement…), d’un supérieur hiérarchique mais aussi entre collègues. Ils ont pour conséquence une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à son moral et à sa santé. Ces agissements sont interdits et représentent une violation des droits du salarié. Certaines manipulations peuvent s’avérer encore plus vicieuses. En effet, l’employeur ou le responsable hiérarchique peuvent entraîner le salarié à la faute professionnelle de façon à le licencier sans reconnaître le véritable motif.
Très vite la situation peut se dégrader. Le/la salarié-e voit sa santé affectée, il/elle se replie sur lui/elle-même, parfois jusqu’à la dépression, voire dans une situation d’incapacité de travail. En effet, chacun-e a besoin de gagner sa vie, ce qui rend vital, pour l’immense majorité, la nécessité de travailler. Subir de l’homophobie au travail est donc particulièrement insécurisant. La combattre est parfois délicat, mais nécessaire.
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Le cas particulier des mineurs qui travaillent et des
“petits boulots”
Pour les jeunes qui travaillent avant leur majorité (apprentissage, jobs d’été, etc.), la situation est souvent compliquée par le fait qu’il s’agit d’emplois précaires et dépendants. Les patrons ou les salariés plus expérimentés se sentent parfois autorisés à des comportements qu’ils n’oseraient pas avoir face à des adultes, ce qui peut aller jusqu’à des extrémités comme le harcèlement sexuel, même si celui-ci est rare. Il faut savoir que la justice est beaucoup plus sévère dans les cas d’abus sur mineurs.
Dans tous les cas, si vous subissez de l’homophobie au travail alors que vous êtes mineur-e, il faut savoir que les sanctions sont nettement accrues, et il ne faut en aucun cas vous laisser intimider.
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Que faire face à une situation homophobe sur son lieu de travail ?
Les salariés victimes d’agissements homophobes disposent d’un recours devant différents organismes (conseil de prud’hommes, tribunal administratif, justice) pour les faire cesser ou demander réparation du préjudice subi. Mais avant toute démarche judiciaire, le salarié peut faire intervenir des personnes dans son entreprise : la direction des ressources humaines (quand il y en a une), les représentants du personnel ou les délégués syndicaux, voire la direction. Il peut également saisir l’inspection du travail. Après, tout change selon l’accueil que l’on reçoit. Il est également possible de prendre conseil auprès de lignes d’information spécialisées ou de permanences d’avocat. Un appel sur la ligne de SOS homophobie permettra d’obtenir des informations plus adaptées à une situation personnelle.
Au cours d’une procédure judiciaire, le salarié ou la personne mise en cause peuvent engager une procédure de médiation. Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties. Le médiateur tente de les concilier et leur soumet des propositions écrites en vue de mettre fin au problème. En cas d’échec de la conciliation, il informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties prévues en faveur de la victime.
Dans les lieux publics
Dans la rue, les transports en commun, les commerces, etc., on est le plus souvent anonyme (sauf dans ces villages et quartiers où “tout le monde se connaît”). A priori, on pourrait s’y sentir à l’abri des jugements, notamment homophobes.
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S’exposer ?
Aucune loi en France n’interdit d’exprimer (ou de ne pas dissimuler) son orientation sexuelle ou son identité de genre, dans la rue ou dans tout autre lieu public. Les couples hétérosexuels peuvent se tenir par la main, disent volontiers partager la vie de quelqu’un, et autres manifestations spontanées qui leur semblent évidentes. Mais que ce soit seul ou en couple, le choix de la visibilité gay, lesbienne ou trans doit être réfléchi. Le propre d’un lieu public, c’est que l’on y croise des individus dont on ne connaît ni les opinions, ni le comportement : les homophobes, hélas, font partie du lot !
Pour les homosexuels ayant la même liberté de comportement, il faut se montrer prêt à affronter tous les regards : indifférents ou bienveillants, mais aussi désapprobateurs, parfois accompagnés de remarques désagréables, voire d’agression. Il faut être conscient-e des conséquences de ce choix : tenir la main de la personne que l’on aime, c’est banal au milieu d’une marche des fiertés (gay pride), cela l’est moins au quotidien dans des lieux publics.
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Recours
En cas d’agression physique ou verbale dans un lieu public, il est possible de déposer une plainte, ou une main courante (simple consignation sur un registre de police). Il faut essayer de recueillir un ou plusieurs témoignages, à titre de preuve. Un-e mineur-e ne peut effectuer ces démarches seul-e ; elles doivent être accomplies par ses parents ou par son tuteur. Il est également possible de contacter la ligne d’écoute de SOS homophobie.
Dans la famille​
La famille n’est pas forcément homophobe ou transphobe, mais peut s’avérer des plus pénibles si elle l’est. Surtout quand on est mineur-e ou qu’on en dépend. Pour certain-e-s, c’est parfois le lieu du premier coming out ; pour d’autres, il n’en sera jamais question.
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Diversité des situations et signes d’homophobie familiale
Les membres d’une même famille peuvent réagir très différemment à l’homosexualité d’un proche. La façon dont les personnes commentent la question homosexuelle ou trans dans les conversations et les médias constitue un premier indice auquel il s’agit d’être attentif pour tâter le terrain. Bien qu’il arrive aussi qu’un discours tolérant cache de mauvaises surprises, quand il s’agit de ses propres enfants (ça ne les “dérange” pas, sauf sous leur toit). Inversement, des personnes aux propos homophobes peuvent se révéler tolérantes quand il s’agit de défendre un-e proche (ça les “dérange” mais puisque c’est un des leurs…). Une personne qui évite systématiquement ce genre de sujet peut éprouver un malaise à en parler (pour diverses raisons) ou estimer que moins on en parle et mieux c’est – ce qui est rarement bon signe.
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Faire son coming out ?
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D’une manière générale, faire son coming out à des personnes de sa famille est une affaire strictement personnelle et ne devrait jamais être considéré comme un passage obligé.
En parler en premier lieu à ses frères et sœurs, ou à un autre membre de confiance peut servir de test ou créer des alliés (mais attention aux mauvaises surprises). Tout coming out est différent et délicat ; toutefois s’il est souvent appréhendé, il peut – dans certains cas – se révéler une simple formalité pour des proches observateurs qui auraient déjà deviné. Dans la plupart des cas, tout se passe bien. Mais on recommande généralement aux jeunes qui veulent parler de leur attirance pour le même sexe ou de leur transidentité à leurs parents de s’assurer un point de chute, par précaution. C’est dans les familles ultra-religieuses d’Amérique du Nord que l’on trouve le plus grand nombre d’enfants mis à la porte du domicile familial pour leur homosexualité, réelle ou soupçonnée. Ce genre de situation est plus rare en France et dans les pays européens en général. La loi française d’ailleurs interdit de mettre à la porte un enfant mineur.
Dans le cas d’un éloignement — provisoire ou définitif — du domicile familial, il est très important, pour un mineur, que l’adulte qui l’héberge prévienne ses parents et la police : une personne adulte qui héberge un mineur sans l’accord des parents et sans signalement aux autorités policières risque de sérieux ennuis judiciaires.
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L’homophobie dans la famille
Des études scientifiques récentes ont montré que les comportements négatifs des parents face à la révélation de l’homosexualité d’un de leurs enfants pouvaient avoir de graves répercussions sur le moral et la vie future de ces derniers. Une homophobie familiale prononcée peut être la cause d’un taux anormalement élevé de dépressions, de conduites à risque, de maladies, et de tentatives de suicide. Bien entendu, tous les jeunes ne réagissent pas de la même façon, et certains ressortent même renforcés de l’épreuve. Mais le risque est là.
Au reste, les réactions violentes des parents (de type colère, expulsion) ne sont pas forcément les plus graves à long terme — quand elles n’ont pas de conséquences irrémédiables, elles peuvent être provisoires. Les formes plus subtiles de rejet peuvent avoir des conséquences psychologiques profondes, notamment quand elles jouent sur la culpabilisation, l’isolement, en particulier quand elles se traduisent par une forme de harcèlement moral durable.
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Comment réagir ?
Dans les cas les plus graves, pour un mineur, il est possible d’appeler le 119, ligne d’appel de l’enfance en danger. Une infirmière ou un médecin (scolaires ou non) sont également tenus de réagir en urgence et de porter assistance à un jeune en difficulté. De plus, ils doivent respecter le secret professionnel. Pour les enfants majeurs expulsés de chez eux, il existe des structures d’accueil, mais leur capacité d’hébergement est faible. Une assistante sociale ou un éducateur peuvent également trouver des solutions provisoires, en matière d’hébergement et de poursuite des études.
Dans tous les cas, on peut faire appel aux associations spécialisées dans ces questions. Un appel sur la ligne de SOS homophobie permettra d’obtenir des informations plus adaptées à une situation personnelle. L’association Contact est spécialisée quant à elle dans ce qu’on appelle la “médiation” entre les homosexuel-le-s et leur famille, c’est-à-dire dans un travail d’accompagnement pour améliorer ou recréer des liens entre les un-e-s et les autres. Les centres LGBT de Paris ou provinces sont des lieux d’accueil et de conseils.
Entre ami.es
De même que l’homophobie dans la famille, l’homophobie entre amis se révèle particulièrement insupportable, dans la mesure où elle implique des personnes de confiance, auxquelles on peut tenir énormément. Mais, au moins, on n’habite pas sous le même toit. Quand on passe beaucoup de temps ensemble, il peut devenir difficile de cacher que l’on est attiré par les personnes de son sexe. Parfois, il n’est même pas question de cacher quoi que ce soit — parce que les autres ont “deviné” ou bien parce que la nécessité de dire est trop importante. Et puis, parfois, aussi, le ras-le-bol devant les mots qui blessent devient trop important, même si ces propos s’adressent à quelqu’un d’autre.
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Au quotidien
L’homophobie des amis, elle est souvent là, déjà. Elle s’exprime dans des jugements hâtifs, des remarques haineuses, une hostilité envers un-e “qui en est”. Comment dire quoi que ce soit, dans ces cas-là ? Il y a la peur de perdre un ami, une bonne copine. Ou la crainte d’être rejeté du groupe. Ce n’est parfois qu’une question de vocabulaire, lorsque certains se charrient à coups d’ “enculé“, “goudou” ou “p’tit pédé“, il suffit parfois d’une simple remarque pour les modérer. L’homophobie est aussi inacceptable que le racisme, et doit être combattue de la même manière. La condamner est une bonne façon de tester les sentiments d’autrui sur le sujet.
À l’inverse, il y a le silence – celui qui ne se rend compte de rien, qui ne semble même pas imaginer que les homos existent, le groupe où chacun doit être avec quelqu’un… du sexe opposé. Nous vivons dans un monde hétéronormé où il paraît évident, voire obligatoire, aux garçons de parler de filles et aux filles de garçons. Au-delà d’une homophobie prononcée, un-e jeune homosexuel-le peut se sentir particulièrement oppressé-e par cette norme supposée de l’orientation sexuelle. Elle l’amène parfois à se renfermer, à se sentir différent (voire anormal), à nier ses attirances ou du moins les cacher.
Et puis, il y a aussi ce sentiment curieux : que les autres l’ont “deviné” avant soi. Leurs allusions répétées, qui deviennent parfois très lourdes ; le sentiment d’être devenu le “pédé de service” ou la fille qui n’aime pas les garçons, alors que rien n’a été dit. Que rien même n’est sûr, si bien que les réactions démesurées des autres poussent à démentir. Leur intuition est souvent surprenante, même si tout change quand on la confirme.
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L’après coming out
La plupart des ami·es réagissent bien, même certain-e-s homophobes notoires, avec un peu de dialogue et de sincérité. Comment se fait-il que ce ne soit pas toujours le cas ?
L’une des réactions courantes des amis du même sexe peut être de confondre cette amitié partagée avec un amour dissimulé. Lorsqu’un-e jeune homosexuel-le ou bisexuel-le se dévoile, ses proches amis peuvent se sentir menacés par les contacts physiques ou autres démonstrations de complicité, oubliant que (peu importe l’orientation) deux personnes peuvent se toucher ou s’apprécier sans aucune ambigüité. Un-e ami-e hétéro du même sexe a besoin d’être rassuré-e : pour certain-es, la parole suffira, pour d’autres une certaine distance peut calmer le jeu.
Les réactions en groupe sont souvent plus fortes, en bien ou en mal : il arrive que la personne homosexuelle devienne au mieux l’objet de sous-entendus appuyés, au pire un souffre-douleur désigné, ce qui peut l’amener à des conduites à risques ou à se renfermer petit à petit.
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Solutions ?
Si ce n’est qu’un manque d’éducation ou de délicatesse, cela peut éventuellement être corrigé. Prendre ses amis un par un, leur expliquer au besoin ou même leur apprendre ce qui blesse ou non, peut s’avérer nécessaire. Pour d’autres, la situation ne changera pas. Peut-être parce qu’elle ne changera jamais. Peut-être parce qu’il est trop tôt, qu’il faut à ces amis plus de rencontres, de temps (ou même de lectures).
Pour parler de ce rejet, il est possible d’appeler la ligne de SOS homophobie. Les forums et autres lieux de conseils peuvent également apporter une aide face à ces comportements (voir la page liens).
En milieu scolaire
Les LGBTphobies commencent parfois par des insultes à l’école primaire, pas toujours bien comprises par ceux/celles qui les utilisent. Forcément, c’est un peu flou. Le pire vient souvent au collège, parce que c’est le moment où il ne faut surtout pas être différent-e des autres. N’importe quel écart à la “norme” — dans le look, le comportement, les manières, l’attitude en classe — fait vite passer pour “pédé“, “gouine“, “travelo” etc. En général, ça s’arrange au lycée, enfin pas toujours : ça dépend des lieux, des circonstances… Et si les élèves sont redoutables, les adultes ne sont pas forcément sans reproches : il y a ceux/celles qui se voilent la face sur le harcèlement ou les violences, ceux/celles pour qui le sujet est tabou ou embarrassant, ceux/celles qui sont carrément LGBTphobes (sauf que ce n’est pas dit ouvertement, la plupart du temps).
Malheureusement, les LGBTphobies peuvent aussi avoir des conséquences dramatiques sur la scolarisation : absentéisme, phobie scolaire, ou baisse des résultats par exemple.
Bref, école, collège, lycée et même après : ce n’est pas toujours facile de découvrir qu’on est lesbienne, gay, bi-e ou trans dans cet environnement. Et pourtant, c’est aussi là, souvent, qu’on éprouve les premiers sentiments très forts, pour un garçon, une fille, ou les deux. Il y a aussi ce lieu compliqué — les vestiaires — où l’on a peur de se trahir d’un regard.
Les LGBTphobies sont-elles une fatalité ?
Heureusement, les LGBTphobies en milieu scolaire sont désormais reconnues comme une réalité et un problème : l’État mène des campagnes de prévention, fait circuler des directives, des informations ; les adultes sont sensibilisé-e-s à la question et, pour la plupart d’entre eux/elles, de plus en plus informé-e-s. Il faut néanmoins de la volonté, de la part du personnel de direction, des enseignant·es, des CPE, des infirmièr·es, pour que les choses avancent et que les comportements LGBTphobes ne restent pas impunis.
Car c’est souvent le problème : l’impunité. Il faut avoir le courage de dénoncer l’insulte, le rejet, les discriminations ou le harcèlement. Entre la crainte de passer pour une “balance” et celle de ne pas être écouté-e, sans parler de l’angoisse de devoir dire quelque chose d’intime à une personne qu’on ne connaît pas très bien, dont on ignore comment elle va réagir : il y a tant de raisons de se taire. Pourtant, le silence n’arrange que ceux/celles qui harcèlent, et qui sont souvent plus fort-e-s, plus nombreux/ses.
Aujourd’hui, quand on a été insulté-e, qu’on a subi des coups, une mise à l’écart, voire pire, en raison de son orientation sexuelle (réelle ou supposée) ou de son identité de genre, ou quand on a été témoin d’actes LGBTphobes, il ne faut plus laisser faire et oser demander de l’aide.
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À qui s’adresser ?
Il y a bien des chemins. Tout est affaire de confiance : il faut aller vers les adultes avec lesquel-le-s ont se sent le plus à l’aise. Ça peut être les parents, si les choses sont claires avec eux : leur intervention a du poids. Sinon, ce peut être un-e prof avec lequel/laquelle le contact est bon, ou un-e CPE (conseiller/ère principal d’éducation) ou un-e AED (assistant-e d’éducation), ou l’administration directement. Et puis il y a l’infirmièr·e scolaire. Tenu-e au secret professionnel, il/elle doit préserver l’anonymat (par rapport aux parents en particulier). Et si l’adulte ne réagit pas rapidement, semble faire traîner les choses, il ne faut pas hésiter à le/la relancer, ou à se tourner vers quelqu’un-e d’autre.
Le ministère de l’Éducation Nationale a notamment lancé en 2012 un site contre le harcèlement à l’école : nonauharcelement.education.gouv.fr. Vous pourrez y trouver des outils pour les victimes, mais aussi pour les témoins, parents et professionnel-le-s de l’éducation. Pour en parler, vous pouvez contacter leur ligne téléphonique (le 3020, gratuite et ouverte de 9h à 18h du lundi au vendredi, sauf les jours fériés). Par ailleurs, les académies sont désormais dotées de postes de “référent-e harcèlement” auxquel·les on peut faire appel.
En général, quand il s’agit simplement de faire intervenir un adulte pour faire cesser une situation de LGBTphobie, comme les agresseurs/ses se cachent rarement et sont souvent très fiers/fières de leur comportement, il est assez facile de les “coincer”. Maintenant, il en va des LGBTphobies en collège ou en lycée comme ailleurs : il faut parfois (mais pas toujours) avoir des preuves de ce que l’on avance, en particulier face à l’administration. Et s’il n’y avait pas de réactions, il y a toujours la possibilité de faire appel à des intervenant-e-s extérieur-e-s (association de parents, SOS homophobie en appelant la ligne d’écoute, etc.).
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Faire de la prévention
Résoudre un problème, c’est bien. Faire en sorte qu’il ne recommence pas, c’est mieux. Et pour ça, l’idéal est de faire changer les mentalités. Parfois, certain-e-s camarades de classe peuvent jouer un rôle surprenant, surtout quand ils/elles ont de l’influence. Mais on n’a pas toujours cette chance. Certain-e-s enseignant-e-s essaient de faire réfléchir leurs élèves sur les LGBTphobies, de façon plus ou moins appuyée. Parfois, pour eux/elles comme pour les camarades, c’est compliqué, car c’est un engagement personnel : une personne qui lutte contre les LGBTphobies peut être étiquetée comme homosexuelle ou trans, même si cette interprétation est souvent idiote. A-t-on besoin d’être noir-e ou arabe pour lutter contre le racisme ? D’être une femme pour rejeter le sexisme ?
Depuis la fin des années 1990 s’est développée la pratique des interventions en milieu scolaire (IMS) pour lutter contre les LGBTphobies. Elles sont réalisées par une grande diversité d’associations : spécifiques, comme Contact, Le MAG, Couleurs gaies ou SOS homophobie, ou luttant pour les droits humains en général (dans ce cas, elles abordent les discriminations de manière plus globale). N’importe quel-le membre du personnel d’un établissement scolaire peut prendre l’initiative de demander qu’on en organise et de contacter telle ou telle association. Mais il faut aussi l’accord du/de la chef-fe d’établissement. Ces interventions sont basées surtout sur la discussion avec les élèves : il s’agit de leur faire réaliser que les LGBTphobies, c’est la même chose que le racisme, la xénophobie, et toutes les formes de discrimination.
Un·e élève peut jouer un rôle majeur, en incitant un membre du personnel éducatif à faire la démarche. SOS homophobie reçoit régulièrement des demandes dans ce sens, et fournit documents et arguments pour convaincre les administrations. Pour organiser une intervention dans un établissement, il est nécessaire qu’un-e membre de l’équipe éducative remplisse ce formulaire en ligne.
Source : https://cestcommeca.net/